Santé au quotidien

Surpoids : l’IMC, un outil de diagnostic de plus en plus controversé

Les régimes mettent souvent en avant le « fameux IMC », pour Indice de Masse Corporelle. Concept à la mode, l’IMC n’est pourtant pas le paramètre le plus important pour les médecins travaillant sur la lutte contre la surcharge pondérale qui touche de plus en plus la population française. Explications.

Le calcul et le diagnostic semblent simples. Pour estimer son indice de masse corporelle, il suffit d’appliquer l’équation suivante : IMC = poids (en kg) / taille² (en m). Prenez un rugbyman de 110kg et mesurant 1,85m : son IMC sera de 32,14 (110 divisé par le carré de 1,85). Selon la classification IMC, cet homme serait en obésité (entre 30 et 35). Et pourtant, il n’en est rien… Pour avoir une « corpulence normale », il lui faudrait en effet perdre du muscle pour afficher un IMC entre 18,5 et 24,9. Non, l’IMC n’est pas l’alpha et l’oméga du diagnostic du surpoids. Si son calcul peut s’avérer intéressant pour avoir une estimation de notre corpulence, sa pertinence reste limitée car il ne prend tout simplement pas en compte la morphologie globale et la musculature. Et plus problématique encore, l’IMC ne prend pas non plus en compte la distribution de la graisse dans le corps. Or c’est ce paramètre qui permet une estimation plus fiable du risque associé à la surcharge pondérale.

Le tour de taille, paramètre nº1

La notion de risque associé au surpoids – voire à l’obésité pour les patients plus sévèrement atteints – dépend en réalité de plusieurs facteurs dont un, absolument primordial : le tour de taille. « Le poids et l’IMC ne sont pas les meilleurs indicateurs pour évaluer l’état de santé d’une personne, ni celle d’une population, explique Rémy Legrand, fondateur du Groupe Éthique & Santé et concepteur du programme RNPC. Il y a une multitude d’études qui démontrent que le tour de taille est un facteur de risque puissant et indépendant, comme l’étude EPIC, publiée dans le New England Journal of Medicine en 2010, qui montre que tous les 5cm d’augmentation du tour de taille, le risque de mortalité totale augmente de 17% chez l’homme et de 13% chez la femme et ce, indépendamment de l’IMC ou d’autres facteurs de risque. Ou encore l’étude Interheart publiée dans le lancet en 2004 qui montre que l’obésité abdominale est le facteur de risque de survenue d’un infarctus du myocarde le plus puissant notamment devant le tabac, l’hypertension ou le diabète »

Pourquoi le tour de taille est-il si important ? Parce que la graisse abdominale, dite viscérale, constitue à elle seule la menace la plus importante pour notre santé, pouvant non seulement s’accumuler dans l’abdomen mais également s’immiscer jusqu’à l’intérieur même des organes vitaux – le foie, le pancréas et même le cœur – ce que les médecins appellent les « foyers ectopiques de graisse » (ndlr : là où on n’est pas censé observer présence de graisses). Pour rappel, les risques liés à la surcharge pondérale sur la santé sont nombreux : diabète de type 2, cholestérol, stéatose et inflammation du foie (NASH), hypertension artérielle, infarctus du myocarde, maladie coronaire, artérite des membres inférieurs, reflux gastrique, arthrose, apnée du sommeil, syndrome des ovaires polykystiques… la liste est longue. Pire encore : le surpoids concernerait, selon l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), près d’un Français sur deux.

Selon l’excellent article cosigné par les chercheurs universitaires britanniques James King, David Stensel et DimitrisPapamargaritis, l’IMC n’est donc qu’un outil d’étude globale des populations, et non le meilleur paramètre pour tirer des conclusions sur tel ou tel patient :« Au niveau individuel, l’IMC n’est pas très utile pour donner aux praticiens (et aux patients) une compréhension claire de leur santé et des pathologies auxquelles ils peuvent être exposés. C’est pourquoi l’AMA (American Medical Association) et le NICE (National Institute for Health and Care Excellence, au Royaume-Uni) recommandent de toujours utiliser l’IMC en conjonction avec d’autres outils, tels que le tour de taille et le rapport taille/hanche. Cela donne aux praticiens une meilleure idée de l’endroit où une personne stocke la graisse corporelle et donnera une image plus claire de l’état de santé du patient. » Selon ces trois scientifiques de renom, il faudrait donc moins mettre l’accent sur l’IMC, et mieux examiner d’autres aspects de la santé des patients.

Le diabète de type 2, ennemi nº1

Le surpoids et l’obésité sont aujourd’hui considérés comme des maladies à proprement parlé, avec leurs lots de conséquences. La plus connue d’entre elles est évidemment le diabète de type 2, qui ne cesse de progresser en France depuis 2010 selon Santé publique France (chiffres de 2020) : « Le diabète continue sa progression avec quasiment le même niveau de croissance que les années précédentes. En France, plus de 3,5 millions de personnes sont traitées par médicament pour un diabète, soit 5,3% de la population. » Avec les coûts que cela entraîne sur les comptes de l’assurance maladie.

Selon les médecins, le principal symptôme du surpoids – visible pour tout un chacun – est l’apparition d’un gros ventre. « Les graisses abdominales, que l’on appelle aussi graisses viscérales, sont toxiques d’un point de vue cardiovasculaire, souligne le Dr Corinne Chicheportiche-Ayache, médecin nutritionniste. On a démontré qu’elles favorisent l’insulino-résistance. C’est un mot très savant pour dire que notre hormone pancréatique, l’insuline, qui permet de réguler le taux de sucre dans le sang, fonctionne moins bien. À moyen terme, cela favorise le diabète. » Un avis partagé par le Pr Michael Lean, président du département de nutrition à l’Université de Glasgow, et auteurd’une étude de référence sur le diabète en Grande-Bretagne. Selon lui, le diabète de type 2 est une maladie dévastatrice. Invité de marque du 3e Congrès multidisciplinaire RNPC qui s’est tenu à Marseille en juillet dernier, le médecin britannique a mis en parallèle le processus de développement du diabète avec celui de l’obésité :« Les deux font partie d’un processus pathologique d’accumulation de graisse. Le traitement, la prise en charge du diabète de type 2 et sa prévention sont exactement les mêmes traitement, prise en charge et prévention destinés aux personnes sujettes à la prise de poids et à l’obésité ». La relation de cause à effet est évidente.

Que faire pour inverser la tendance ?

Quelles sont alors les stratégies à mettre en place pour réduire ces graisses abdominales ? Tout le monde le sait : il faut adopter de nouvelles méthodes d’alimentation, en réduisant l’apport calorique quotidien sur le long terme. Mais tout le monde n’en est pas capable. Les patients ont donc besoin, pour cela, d’un accompagnement pluridisciplinaire, à la fois médical et diététique, basé sur les études les plus en pointe concernant la lutte contre le surpoids et contre le diabète, comme l’étude DiRECT. « La perte de poids doit être significative – au moins 10% du poids et idéalement 15% – et ciblée sur la graisse viscérale, détaille Rémy Legrand. Pour cela, nous avons élaboré une stratégie thérapeutique non médicamenteuse unique, basée sur des études scientifiques et validée par un comité scientifique composé d’experts pluridisciplinaires de haut niveau. L’étude DiRECT a montré qu’un régime à 800 kilocalories permettait de venir à bout du diabète de diabète 2. Le programme RNPC applique le même protocole. »

Les bénéfices de la perte des centimètres du tour de taille – plus que la baisse de l’IMC – sont évidemment nombreux : limiter l’apparition de maladies cardiovasculaires et du diabète, réduire les symptômes d’une apnée du sommeil et les risques d’arthrose du genou… Plus généralement, voir fondre la graisse abdominale améliore la qualité de vie et l’image de soi. Et cela n’a pas de prix.